Rencontre avec les bulles de de Bary

Bruno Coué Coudré 79190 Clussais la Pommeraie

Le 11 mai 2003, Jean Armand Boireau, Christian Lechat, Michel Hairaud et moi même visitions une aulnaie frênaie en bordure de Dive, au lieu dit « Château de Germain », commune de Saint Coutant (79).

Notre attention fût attirée par un discomycète de bonne taille (diamètre atteignant 6 mm) dont les apothécies recouvraient des crottes de chevreuil. L’aspect macroscopique avec une marge nettement plus sombre que l’hyménium faisait penser à un Pseudombrophila, ce que la microscopie a confirmé car il s’agissait de Pseudombrophila cervaria, caractérisé (entre autres) par des paraphyses à sommet fourchu.

Bien évidemment, j’ai récolté un bon nombre de crottes que j’ai placées en chambre humide afin de déceler les petites espèces sous la loupe binoculaire, et de suivre la succession des « fructifications ».

Voici dans le désordre chronologique les champignons observés :

Basidiomycètes Coprinus stercoreus (Stop.) Fr.

Coprinus heptemerus Lge & Sm. fo. Parvisporus

Ascomycètes

  Discomycètes Pseudombrophila cervaria (Phill. in Stevenson) Brumm. Ascobolus furfuraceus Pers. : Fr.

Ascobolus albidus Crouan & Crouan Saccobolus depauperatus (Berk. & Broome) E.C. Hansen

Lasiobolus macrotrichus Rea Coprotus granuliformis (Crouan & Crouan) Kimbr.

  Pyrénomycètes Sporormiella grandispora Ahmed & Cain ex Krug

Sporormiella minima (Auersw.) Niessl

Schizothecium hispidulum (Speg.) Lundq.

Il faut rajouter à cette liste 2 représentants du genre Coprotus, non déterminés de manière satisfaisante, malgré l’aide de la monographie de Kimbrough, Luck Allen & Cain

L’un proche de Coprotus disculus Kimbr., mais contenant une grosse guttule huileuse au sommet des paraphyses (non signalée dans les descriptions), sommet qui de plus est nettement élargi jusqu’à 6 gin (3 à 4 gin dans la littérature).

L’autre très proche de Coprotus leucopocillum Kimbr., Luck Allen & Cain, avec des asques un peu plus étroits et les sommets des paraphyses un peu plus renflés que sur le type.

(Les détails de mes notes sur ces espèces sont disponibles à toute personne intéressée par le sujet).

Avec 14 espèces décelées, voici encore un bel exemple de diversité fongique sur ce support particulier qu’est la crotte de chevreuil.

C’est chez les Coprotus que j’ai recherché ces fameuses bulles de de Bary signalées et dessinées dans ce genre notamment dans le DM 117 118, mais je ne voyais absolument rien dans l’eau.

En observant les spores dans l’eau et en plaçant une goutte de réactif de Melzer sur le bord de la lamelle, on peut par aspiration avec un papier buvard placé sur le côté opposé à la goutte amener progressivement le Melzer sur la préparation tout en surveillant la réaction. C’est ce que j’ai essayé, et ce fut alors le grand spectacle de l’apparition progressive, à l’intérieur des spores, de ces bulles qui se présentaient en coupe optique sous forme d’un anneau sombre plus ou moins épais : l’aspect est comparable à ce qu’on observe quand une bulle d’air est emprisonnée dans la préparation. Le contour est parfois irrégulier lorsque la bulle se trouve à l’intérieur d’une spore collapsée.

Les bulles de de Bary contiennent du gaz, contrairement aux guttules qui sont de petites gouttes huileuses. Chaque spore en contient une seule en général, mais parfois 2 ou plus. Les ascospores de nombreux discomycètes et pyrénomycètes en contiennent. Elles peuvent être aussi visibles dans l’eau ou différentes solutions acqueuses, ou dans le bleu coton lactique. Pour ma part et concernant ces Coprotus, je n’ai rien vu dans l’eau, et c’est le réactif de Melzer qui a provoqué leur visualisation très nette.

Pourquoi ces bulles sont elles « de de Bary » ?

Heinrich Anton de Bary était un botaniste et mycologue allemand du 19 ème siècle (1831 1888). Ce sont principalement ses travaux sur la biologie et la physiologie de différents groupes de champignons qui ont marqué l’histoire de la mycologie, et le font considérer comme le fondateur de la mycologie moderne.

C’est lui qui a décrit le premier ces bulles de gaz qui portent maintenant son nom.

Je remercie Francesco Doveri et Christian Lechat pour leur aide et leur envoi de documentation.

Bibliographie

Cacialli G., Caroti V., Doveri F. 2000, Guide pour l’identification des Pézizales fimicoles d’Italie (Contribution n° 32 à l’étude des champignons limicoles) Documents Mycologiques XXX (117 118) : 3 98 Dictionary of the Fungi, 2001, 9th edition Ellis M.B. & J.P. Ellis, 1998, Microfungi on miscellaneous substrates, The Richemond Publishing Co. Ltd.

Kimbrough J.W., E.R. Luck Allen and R.F. Cain, 1972, North American species of Coprotus (Thelebolaceae : Pézizales). Can. J. Bot. 50 : 957 971

Bulletin SMMA n°22 2004