La forêt de Chizé
20mn au Sud de Niort (Deux-Sèvres)
Cet article est paru dans le bulletin SMMA 14-1995 Forêt de Chizé
D’une superficie de 4 820 hectares, son altitude varie de 47 à 101 mètres. Sise à l’ouest de Chizé, séparant le bassin du Mignon de celui de la Boutonne, cette forêt se situe dans un quadrilatère d’environ 10 km de côté. Plusieurs enclaves se trouvent à l’intérieur de son périmètre : celle de la commune de Villiers en Bois comprenant le bourg, Virollet et Les Alleuds, ainsi que celles des Essarts, de la Raye, de Partout (maintenant rattachée au domaine forestier) et la demi enclave de Terre Neuve.
En 1090, une notice du cartulaire de l’Abbaye de St Jean d’Angély, fait mention de « Bosco Chesiaco ».
Vers 1100, une donation faite à l’Abbaye St Florent de Saumur parle d’une partie de la forêt en ces termes : « partent silvae de chiniaco".
C’est vraisemblablement vers cette époque que plusieurs essartements importants furent effectués ; notamment les enclos des Alleuds, des Essarts, de Villiers en Bois et de Virollet qui appartenaient au seigneur de Rimbault.
Au nord de la forêt, à Marigny, se trouvait le prieuré St Jean dépendant de l’Abbaye de Montierneuf de Poitiers, tandis qu’à l’extrême sud ouest se trouvait l’Abbaye de St Séverin fondée en 1068 par Geoffroy Guillaume comte du Poitou. Elle avait pour dépendances, les Eglises du Vert et de Villiers en Bois. Au moment da sa fondation cette abbaye se trouvait dans la forêt. Au Moyen Age, ces établissements contribuèrent généralement au défrichement des bois et à la mise en culture de nouvelles terres.
Primitivement domaine des comtes du Poitou, Chizé appartint ultérieuremen à la famille de Brienne. Il fut rattaché à la couronne suite à la confiscation par Jean II le Bon des propriétés de Raoul de Brienne en 1350.
En 1630, un ensemble d’environ 600 hectares fut concédé par Louis XIII au minimes de La Rochelle, à charge pour ces derniers de faire fossoyer un partie marécageuse de la forêt ; d’où le canal des minimes ou canal des Lignes.Saisie et vendue en 1793, cette partie de forêt devait revenir à l’Etat en 1812, suite à un échange avec le comte Régnault de Saint Jean d’Angely, qui en était devenu propriétaire.
La forêt d’Etampes
Une partie du massif forestier situé dans les communes de Marigny, Les Fosses et Villiers en Bois est connue sous le nom de la Forêt d’Etampes ou Petite Forêt. Comme l’ensemble de la forêt, elle faisait partie de la seigneurie de Chizé. Ce fut par un contrat en date du 7 Janvier 1346, que Raoul de Brienne cédait à sa soeur Jeanne 1200 arpents pour compléter sa dot. Cette dernière qui épousa en secondes noces, Louis d’Evreux, comte d’Etampes, mourut sans postérité en 1789. Après bien des successions et plusieurs partages, la plus grande partie en revint au domaine de l’Etat. Cependant, l’un des derniers acquéreurs, Monsieur Louis Mangout, qui acheta environ 200 hectares le 26 Août 1831, obtint l’autorisation de défricher 80 hectares. II créa de ce fait la métairie de Terre Neuve et s’occupa de l’élevage de vers à soie. IL est rapporté que la robe de mariage de sa fille fut faite avec la soie produite dans sa propriété.
Du Guesclin à Chizé
Chizé fut l’un des derniers bastions anglais en Poitou. Au printemps de 1373, Du Guesclin assiégea le château tenu par les capitaines Robert Morton et Martin Scott, qui disposaient d’une soixantaine d’hommes « hardés de fer.>. D’abord repoussé, Du Guesclin essuya les railleries du capitaine Morton qui cependant savait qu’il lui fallait des secours pour tenir la place. Venant de Niort, les renforts anglais traversèrent la forêt. C’est là qu’ils trouvèrent deux charrettes chargées de bon vin de Montreuil Bellay ; ils défoncèrent les tonneaux et « Ceux qui n’avaient d’autre vase puisèrent de ce vin avec des coiffes, bassinets gantelets, guêtres de peau. Ils en trouvèrent tant que le vin leur fit trotter la cervelle. En buvant, ils menaçaient de tuer tous les français. » Lorsqu’ils arrivèrent en renfort, ils ne furent que de peu d’aide pour les assiégés ; cependant une bataille assez terrible avec un corps à corps sanglant eut quand même lieu. Du Guesclin qui avait lui même pris part au combat, en sortit victorieux. Cette bataille qui eut lieu le 21 mars 1373 se déroula "au dehors d’un petit bois », vraisemblablement entre la forêt et le château de Chizé.
La chasse en forêt
Les seigneurs des châteaux entourant la foret avaient ou quelquefois s’arrogeaient des droits de chasse en forêt. Les seigneurs de Chizé avaient leur rendez vous de chasse à la maison noble de La Groichère, paroisse de Marigny.
« Le Censif de Chizé » du XIIIè siècle nous fait contrainte qu’un habitant du lieu devait loger les meutes du comte du Poitou et fournir un lit au valet qui les gardait. Ce document nous informe également des pénalités encourues pour la prise, sans permission, d’animaux sauvages en forêt :
Pour un cerf : 60 sols et un taureau.
Pour une biche : 60 sols et une taure.
Pour un sanglier : 60 sols et un verrat.
Pour une laie : 60 sols et une truie.
Pour un chevreuil : 15 sols et un bouc.
Pour une chevrette : 15 sols et une chèvre.
Au XVIè siècle, nous trouvons un « droit de fenestrages » qui consistait en des « fenestres ou des ouvertures dans les bois de hautes futayes ». Des filets étaient tendus dans ces ouvertures afin de prendre au filet les oiseaux de passage, tout particulièrement les bécasses.
Les seigneurs de La Thibaudière et de Rimbault, avaient chacun « un droit de deux fenestres à prendre oiseaux ».
Richard Coeur de Lion vint chasser en 1182 et 1184. François 1er, fanatique de chasse et surnommé le « père des veneurs » y vint en 1542.
Lors d’une chasse en forêt de Chizé, Henri IV s’étant égaré de ses compagnons, prit un paysan en croupe pour l’aider à les retrouver. Ce dernier ne l’ayant pas reconnu, lui demanda s’il était vrai que le roi chassait à Chizé ce jour et comment on pouvait le reconnaître parmi les autres chasseurs. Henri IV lui répondit que le roi chassait et que les autres se découvraient devant lui.
Lorsqu’ils trouvèrent la chasse, tous les veneurs ôtèrent leur coiffure et le roi demanda à son accompagnateur :
« Eh bien ! reconnais tu ton roi maintenant ? Ma foi, notre Mossieu, si ce n’est vous, ce doit être moi ». Henri IV s’amusa beaucoup parait il de la fine répartie de ce paysan.
Les loups
Comme dans les autres forêts du Poitou, les loups furent nombreux à certaines époques.
En 1755, la chasse aux loups était défendue à toutes personnes à l’exception des seigneurs haut justiciers dans l’étendue de leurs terres, fiefs et seigneuries.
Par un arrêté du Conseil d’État du roi, du 15 juin 1785, l’Intendant de la Généralité de Poitiers avait le droit d’ordonner des battues et de commander des hommes de chaque paroisse, sous les ordres des officiers de louveterie, pour faire la chasse aux loups.
L’article 1er de la loi des finances du 21 avril 1832 consacra législativement les locations de chasse dans les forêts domaniales.
Le Chêne de l’empereur
A proximité de Chizé, dans la parcelle des Sept chênes, se trouve le chêne de l’empereur.
Ce chêne qui a plusieurs centaines d’années était déjà un bel arbre lorsque Napoléon 1er fut couronné empereur. Les ouvriers qui travaillaient à une coupe à ce moment là, décidèrent de garder le plus bel arbre en souvenir de cet évènement qu’ils avaient fêté joyeusement. L’un d’eux monta à la tête de l’arbre avec un drapeau qu’il y attacha et tous crièrent « Vive l’Empereur ».
Les maisons forestières
Elles sont au nombre de neuf. Sept ceinturent le pourtour de la forêt ; ce sont les maisons forestières du Grand Mauduit, du Pas Trop Fort, du Bécassy, de Carville, de St Séverin, du Grand Bousseau et de Rimbault. Deux se trouvent à l’intérieur de la forêt ; ce sont celles de Villiers en Bois et du Rond Poin des Ouillères.
La forêt actuellement
Au XXè siècle, un destin particulier devait concerner cette forêt. 2 600 hectares de la partie sud furent utilisés comme camp de l’armée américaine pour un dépôt de munitions de 1953 à 1967.
Actuellement Réserve Nationale de Chasse et de Faune Sauvage, ce territoire est géré par l’Office National des Forêts. Des prélèvements de gros gibiers sont régulièrement effectués pour des repeuplements.
Dans cette même partie, se trouvent les locaux affectés au Centre d’Etude Biologiques dépendant du C.N.R.S.
A Virollet, se trouve le Zoorama européen réalisé par le Conseil Général de Deux Sèvres, l’Office National des Forêts et le Centre d’Etudes Biologique des Animaux Sauvages. Une grande partie de la faune d’Europe s’y trouve représentée.
Denis Chapacou septembre 1995
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